Paul - Hitchhiking from Canada to Colombia (2008-2009) & Mathieu - Living in Mexico (2008-2009)

Quelques 19 900km, en stop et en bus!


Afficher Itinéraire de Paul avec les légendes
31 octobre 2008

Tentative de record en autostop! (P)



Me voilà donc en route pour Boston. Première étape : passer la frontière! Elle n'est normalement qu'à une heure de Hamilton, mais je n'y arrive moi que vers midi, après quatre heures de stop. La frontière sépare la ville canadienne de Fort Erie de Buffalo, première ville étasunienne de part et d'autre du fleuve Niagara reliant deux des Grands Lacs. On la traverse sur un pont d'environ un mile, à pied ou en voiture. Faute de n'avoir pas trouvé de voiture, me voilà sur le pont seul avec tout mon attirail en train de traverser la frontière! Une bonne heure plus tard, je sors du bureau de douane, après avoir encore usé de patience et de diplomatie auprès de la suspicion systématique des douaniers à l'égard de nous-autres étrangers. La police est partout autours de l'endroit, et ceux à qui je parle m'interdisent d'aller faire du stop devant eux, alors que j'ai lu hier encore que tant qu'on ne franchit pas le panneau "interdit au piétons" le stop est légal. "C'était un article de loi brut, je vous jure!" Rien à faire...
Je marche donc à travers la ville pour aller rejoindre une bretelle non surveillée.
Buffalo ne compte plus que 300 000 habitants aujourd'hui, après avoir été huitième plus grande ville des Etats-Unis avec presque 600 000 habitants en 1950. Pour cause la délocalisation de ses plus grandes industries. Comme beaucoup de villes américaines, les communautés sont regroupées géographiquement. Je passe moi dans la parties habitée par les 8% d'hispanophones.
Le changement avec le Canada est immédiat, ne serait-ce que pour les drapeaux!
J'arrive un quart d'heure plus tard sur ma bretelle. Il ne faut que cinq minutes avant qu'une voiture ne s'arrête : pour une première expérience aux états-unis c'est plutôt pas mal. En fait, j'étais sois-disant près d'un quartier malfamé et ces gens ne voulaient pas m'y laisser seul! Ils ne vont pas loin mais me déposent sur la Highway 90 qui traverse tout l'état de New-York et celui de Massachusetts jusqu'à Boston. A partir de là la vraie partie commence : un seul camion ou une seule voiture peut aller très loin, peut-être même jusqu'à Boston! Mais mes attentes et exigences personnelles s'estompent au fur et à mesure que le soleil poursuit sa rapide chute vers l'horizon, alors que je peine à trouver mon tant attendu long courrier. Je passe finalement un coup de fil à Natasha, Boston ne sera pas pour aujourd'hui.
Après une demie heure de route avec un bon hippie, c'est un musicien qui s'arrête pour moi. Il est en route pour sa répète hebdomadaire à laquelle il me convie, avant de repartir un peu plus loin vers l'Est. Je prends!
Terry est batteur dans un groupe de rock chrétien! Petite prière avant et après la musique et paroles chrétienne font donc partie du show. Contre toute attente leur musique n'est pas mal du tout et selon lui ils organisent de très gros concerts gratuits dans la paroisse du coin. Il faut donc croire que ça a du succès ici. Une heure plus tard nous sommes en route pour l'Est, dans son camion. Terry est en fait plus routier que musicien... Et plus religieux encore que routier : on aurait dit un vrai colon missionnaire! Je supporte donc patiemment sans trop répondre son attitude exagérée presque commerciale par rapport à sa religion, d'ailleurs en désaccord avec ses vrais principes qui ressemblent en fait plus à ceux d'un fasciste... Lorsque qu'il me dépose à un "truck stop" à l'ouest de Syracuse, je suis presque à mi-chemin. Il fait nuit mais ce n'est pas trop tôt... pour le quitter!
Un "truck stop" -litérallement un arrêt de camion- est une station service spécialement conçue pour les routiers. Restaurant, chambres, jeux vidéo, cinéma, alimentation, douches, tout est là pour les divertir et leur offrir de quoi prendre leur pose obligatoire entre leurs énormes trajets. J'y passe la nuit à demander à chaque routier s'il va vers Boston, en vain. Vers 5h du matin après une sieste inconfortable sur un banc, je décide épuisé d'aller m'endormir sur un fauteuil du minicinéma. Pas moyen de fermer l’œil au final: le film (Wild Hogs) est prenant et raconte le périple de quatre motards à travers les états-unis. Après le film, un routier avec lequel je fume un clope me livre les secrets de la radio CB qu'ils utilisent pour prévenir les autres d'un radar ou pour se raconter des conneries. Ils ont bien sûr leur jargon et leur secrets, c'est excellent ! Il m'explique ensuite que la plupart des routiers travaillent pour une compagnie et n'ont pas le droit de prendre de passager sans autorisation. Les autres, selon lui, ont souvent peur de se faire égorger ou quelque chose d'horrible comme ça. D'où le fait qu'il aillent tous vers l'Ouest (soit-disant) alors que je vais vers l'Est!
Je pars à l'aube et me poste sur la rampe d'autoroute en face du truck stop. Deux heures plus tard et devant l'indifférence des conducteurs et la férocité du froid, je décide de retenter les routiers. Bingo! Melvin va jusqu'à Providence, dans le petit état de Rhode Island, à 80 km au sud de Boston. Il transporte des voitures et devra faire un bon détour par Hartford (dans le Connecticut) pour y décharger les voitures, mais ça me convient. Nous partons vers 10 heures. Melvin travaille pour une compagnie et ne prend pas d’auto-stoppeur d'habitude, mais c'est son dernier jour aujourd'hui, alors tant pis s'est-il dit. Il me fait penser à Jay que j'avais rencontré à New York : malgré un esprit ouvert et une bonne personnalité, il ne connaît quasiment rien du reste du monde. Mon projet et mes histoires d'outre-mer lui paraissent à tomber par terre et je m'amuse donc pas mal à lui en faire profiter. Nous passons finalement plus de temps sur la route qu'estimé et je n'ai pas pris le temps de prévenir Natasha, à tord... Lorsque je l'appelle vers 17h elle me sermonne qu'elle a attendu toute la journée alors que je lui avais proposé de ne pas se préoccuper de mon arrivée : j'aurai très bien pu l'attendre moi ! S'en suit donc une course avec le temps pour arriver le plus tôt possible après avoir décharger les voitures du camion de Melvin ! Il se prend au jeu et s'investit comme moi dans l'observation des cartes et essaie de me dégoter un train de Providence à Boston. On doit en plus prendre en compte les routes où les camions peuvent circuler et trouver la gare... Il me dépose finalement vers 20h sur la sortie d'autoroute la plus proche de la gare et je le remercie pour tout ce qu'il a fait spontanément pour moi, en lui promettant un coup de fil et la suite de mes aventures avec Natasha.
Courant à présent avec mon lourd fardeau sur le bord de l'autoroute en direction de la gare, je ne garde plus en ligne de mire que l'horaire du prochain train qui devrait partir dans 3 minutes maintenant... Comme toujours dans ces moments là, la providence me jette mon habituel coup de pouce: "Hey man, you need a ride?" me lance un type qui s'arrête devant moi. Il va à Boston ce soir pour Halloween! Quel coup de chance! Nous passons d'abord chez lui pour qu'il se déguise et j'y prend même une douche... Matt a 40 ans mais paraît n'en avoir que 25, il a habité 20 ans à Hawaï, il est passionné de saut en parachute et son secret est apparemment le Yoga. Nous roulons à présent dans le centre ville de Providence et commentons sans s'abstenir les costumes extravagants que portent les jeunes dans la rue, alors qu'il faut rappeler l'autre... Matt se propose de lui parler au téléphone pour éviter tout malentendu lorsque je le lui dresse un tableau de la situation et de la personne! Quelle classe! De son "zen" omniprésent et pareil à un gentleman, il rattrape incroyablement le coup en proposant à Natasha d'aller ensemble à sa fête d'Halloween. Une heure et de sympathiques conversations existentielles plus tard, nous sonnons à sa porte et la rencontrons enfin le sourire aux lèvres, après presque 42 heures de stop quasi-ininterrompues. Pas de record en auto-stop du coup, mais après de telles péripéties je suis satisfait... "Pas besoin d'une médaille pas vrai!?!"
29 octobre 2008

Niagara Falls... (P)




Dimanche 26 octobre. Je suis "reparti", littéralement. Cette fois ci j' ai pris le métro de 6h30 à Côte-des-neiges pour arriver tôt à Beaconsfield, une micro-banlieue montréalaise, en bus. C'est l'endroit que j' ai choisi sur internet, grâce aux images satellites, pour mon premier point d'autostop! Encore un bon point de l'autostop moderne Nord-américain! Il fait beau, j' ai donc une petite dizaine d'heures de soleil devant moi, pour à peu près 600 km avant la prochaine escale: Hamilton


Je n'ai écrit que deux mails à Damon (le neveu de Tracy) cette semaine et il m'a confirmé avec entrain qu'il n' y avait absolument pas de souci pour que je débarque chez lui!
Les chutes du Niagara sont la principale raison de mon détour par Hamilton, même si Damon aurait apparemment deux trois bricoles à me faire faire. Tout ce qui ressemble à un petit boulot est bon à prendre en voyage. Non seulement pour les sous mais aussi pour le moral. Cela fait du bien de se sentir utile parfois, concrètement.
Au bout d'un heure d'attente, je décolle enfin. Une corvette rouge s'arrête, je monte et c'est parti, le compteur est lancé! Puis vient le tour d'un pasteur membre de AAA qui m'offre toutes les cartes dont j'ai besoin pour l’Amérique du nord. Jusqu'à maintenant je mémorisais la route et ses alentours la veille sur internet, c'est donc un luxe! Les portions de route parcourues sont petites jusque 14h, lorsque je m'arrête pour un casse-croûte express quelque part en Ontario, dans un fast-food... J'suis en Amérique, faut m'excuser! Pour 3 dollars canadiens ça me fait un repas assez calorique pour être un déjeuner-stop ; un déjeuner-stop est rapide et petit ici, je compte en fait tacitement sur la générosité du mécène pour le routard!!


Dix minutes plus tard je suis dans un camion utilitaire avec un québecois en route pour Milton, une autre banlieue de Toronto proche de Hamilton, c'est ma chance de la journée. Les conversations sont un peu forcées, mais j'arrive à Milton pour le coucher du soleil et c'est le principal. J'y erre un peu, le temps de rencontrer deux trois personne pour me guider et pour me rendre compte qu'il n'y a plus de bus direct pour Hamilton. Une de mes rencontre me parle un peu de son coin, et Milton serait selon lui la comunauté à la plus grande croissance cette année au Canada. Admirant un peu les entourages pendant ma traversée de la ville à pied vers l'autoroute, grâce au ciel mi-orageux mi crépuscule inspirant, je constate en effet qu'il y fait une sorte de "bon vivre".


L'autostop de nuit est une autre paire de manche. Il faut trouver une combine pour demander verbalement aux gens, sans paraître bizarre. Cette fois-ci je trouve un passage clouté inutilisé à bouton pour déclencher le feu rouge. L'air soucieux mais pas dans le besoin j'arrive de plus loin et m'approche des voitures aux conducteurs susceptibles de bien vouloir m'ouvrir la fenêtre. Je leur demande s'ils peuvent me rapprocher en leur expliquant brièvement ma situation et m'étonne à leurs réactions. Une heure plus tard trois types m'ont pris en stop et le dernier m'amène directement à l'adresse de Damon, en m’expliquant que Hamilton est une ville énorme et qu'il pouvait bien m'éviter de marcher des heures!



C'est George qui m'ouvre la porte de la nouvelle auberge espagnole (5 étudiants en médecine) dont je vais prendre part. Damon n'est pas encore rentré et apparement c'est à lui qu'appartient la maison. Ils sont tous étudiants en médecine autour des 23 ans. Damon est un peu plus vieux, 30 ans je crois. Il a décidé de reprendre les études après avoir fait l'armée et être allé en Afghanistan. Le contact passe bien avec les futurs médecins. Ils ont un enthousiasme et une curiosité qui met à l'aise. Quand Damon rentre, on m'a déjà montré ma chambre, la salle de bain et le frigo. J'ai l'impression de déjà le connaître, c'est un peu comme un cousin que je n'aurai jamais vu, par ma famille d'accueil. C'est un chouette type, ca se voit. Au bout d'un demie heure, il me confie sa voiture pour que je puisse aller aux chutes, demain! Avec une confiance toute naturelle! Pour une seconde fois dans ce voyage je me sens "chez moi" tout de suite, enfin au moins pour quelques jours, c'est assez bon je trouve! A mon réveil tout le monde est en cours. P'tit-dèj, douche et lit sont tout le luxe possible et imaginable pour un voyageur! Le confort minimal c'est de ne pas être seul. C'est tout ce que je demande en voyageant après tout. Damon m'accueille chez lui et me nourrit, ce qui est déjà très au-dessus de la moyenne ici en Amérique du Nord, mais en plus il veut me payer pour travailler sur sa maison. Il fait parti de ceux qui veulent s'impliquer dans l'aventure et dans mon projet et ça c'est hors pair!



Aujourd'hui, c'est donc Niagara. Midi, tout prêt, j'ouvre la porte de la Pontiac Grand AM grise qui m'attend de l'autre côté de la rue et pars pour les chutes! C'est la première fois que je conduis depuis mon départ et ça fait tout drôle. Il y a environ une heure de route, pendant laquelle je découvre Jack Johnson dans un album qui traîne dans le lecteur cd. Musique originale, paroles engagées, il me plait c'ui-là! En tout cas plus que les chutes... Après être ressorti de la ville de Niagara et avoir espéré tomber sur un bel endroit un peu écarté de la ville, on vous fait atterrir dans des parkings à 18$ à quelques centaines de mètres du centre-ville aux places à 1,75$. Je me gare donc bien sûr en ville et sors avec mon bel appareil photo, curieux et suspicieux. Pas de surprise en fait, c'est encore une beauté de la nature gâchée par le tourisme et ses extravagances. Une bonne marche en pleine nature m'aurait largement convaincu moi comme d'autres, mais beaucoup sont prêt à payer pour monter dans l'hélicoptère ou dans le bateau, ou encore pour avoir une chambre d'hôtel avec vue sur les chutes. Dommage. Mon appareil photo est donc ma seule excitation, et encore. Son gros zoom et ses multiples équipements sont en effet très sympa pour de belles photos des chutes, mais je constate là aussi l'impact du tourisme: on m'explique que les grands bâtiments touristiques construits non loin empêche la brume (créée par la hauteur de la falaise) de se dissiper comme elle le faisait avant. Prendre des photos du trottoir ou d'un arbre ne suffit donc plus pour capturer toute la scène. Maintenant, il faut payer et monter sur l'horrible tour pouvoir contempler l'endroit... Tant pis. Je repars donc une heure après avec deux trois belles photos des chutes et mes souvenirs du reste : ça ne vaut pas le détour, pour moi. Les photos seules suffisent amplement.


En rentrant j'embraye donc vite sur ce qui apparaît comme la vraie essence de cette partie du voyage, encore et toujours les gens! Savoir les apprécier, en apprendre des tas de choses et se faire des amis partout dans le monde... Je m'imprègne ici de l'ambiance médecine, d'un bel exemple d'une colocation qui tourne et profite de la maturité et de l'ouverture d'esprit de ces bons canadiens! Damon est réglo, diplomate et entreprenant. Il me trouve de quoi m'occuper et négocie avec moi un prix à la tâche, sur ma proposition et plus que décent, sur la sienne. J'aime pouvoir disposer mes heures comme je veux et rendre un travail bon plus que rapide, ça laisse bonne impression. Je lui fais des courses, remplace une vitre cassée, nettoie son toit, vernis ses vitres, démonte son trampoline et bouche un trou dans un mur, pendant deux jours. Le soir, nous mangeons ensemble et regardons un film avec Damon et Lauren, sa copine. J'improvise le deuxième soir une variante d'un petit plat que je fais parfois: l'omelette aux légumes à l'indienne et au fromage, avec riz au curry... Ça plaît!
Ayant décidé de rester un peu plus à Hamilton pour travailler, j'ai aussi décidé de retarder mon arrivée à Boston. Il a donc fallut négocier mon retard chez Natasha, la couchsurfeuse de Boston. Pas commode Natasha, elle n'aime pas les imprévus...
Il ne faut plus traîner, je décide aujourd'hui de partir demain pour Boston. Damon me propose de me poser sur une rampe d'autoroute demain à l'aube, en nous emmenant boire une bière dans un billard de coin. Le cousin! Et deux livres de "spicy chicken wings" avec ça. A suivre le Damon!
Je me retrouve au milieu de la nuit, mes affaires toutes prête-à-partir, couché les yeux ouverts, à imaginer ma journée de demain. Avec 850km à la clé, c'est mon plus grand trajet potentiellement faisable en un jour mais jamais tenté, aux Etats-Unis... Suspens!
26 octobre 2008

Le grand village (P)

 






Et en effet la coloc boulevard Edouard Montpetit est très sympa. Nico la partage avec Lucie et Floriane (deux françaises), Nadia (une italienne) et Mika (une autrichienne). Tout le monde part en voyage aujourd'hui ; c'est le début de leur semaine de vacances à HEC. Mika me propose quand même de rester une nuit de plus puisqu'elle ne part que demain. Parfait, ça me laissera le temps de trouver un autre toit. Je passe ma journée à faire mes comptes, à chercher quelqu’un sur couchsurfing et à établir quelque plans pour mon séjour aux USA. Résultat des courses mon budget a augmenté un peu puisqu'il est passé à environ 9 euros par jour (merci les amis!), je ne trouve pas de couch pour demain et je pense que les villes musicales des états-unis seraient un bon plan. J'irai vers Boston puis vers New York pour retenter l’expérience de la côte est avant de me diriger vers Nashville, Memphis, la Nouvelle-Orléans et Austin. Je laisse délibérément Chicago de côté (dommage mais l'hiver arrive...) Je pense qu'un minimum de plans s'impose cette fois-ci, compte tenu du fait que j'ai promis à Mathieu que je serai au Mexique début décembre et que les galères de vagabondage commencent à me fatiguer. Je pourrai ainsi prévoir un peu plus tôt pour le couchsurfing, au lieu de me lancer dans les jungles que sont les villes inconnus à la recherche quasi-vaine d'un compagnon de route. Matteo Pennacchi, lui, y est parvenu, mais il avait l'avantage -je dis bien l'avantage- d'être vraiment dans le besoin et d'en avoir l'air! Lisez "Le tour du monde sans un rond" et vous comprendrez...

Sur le mur au-dessus de leur canapé, qui est en fait mon lit, un poster-pub pour les soirées rétro du mardi soir au Café Campus. Pintes à 2$ jusqu'à 11h et musique des années 60 70 et 80. Bonne idée tiens! Après un repas concocté par Mika, son pote hongrois nous sert un verre de vin et une vodka, après quoi je pars pour le café campus. Comme promis, Bob Marley, les Beatles, les Blues Brothers etc. sont là, enfin dans les hauts-parleurs. La piste de dance couverte de bière colle de plus en plus aux chaussures et pour une fois que la musique m'inspire dans une boîte, pas question de rester planté là. 9 personnes sur 10 sont étudiant à HEC et si mon voyage plait en général, je ne passe pas complètement dans la meute. Les étudiant(e)s devrait pourtant pour moi être "the" bon plan. Enfin Agathe, une belle française expatriée, discute avec moi les différences des sécurités sociales en France et au Québec et termine je ne sais comment en me proposant de m'héberger demain chez ses parents... ...Au cas où je ne trouverai rien... J'oublie très stupidement son numéro et ne la recroise plus de la soirée. Caramba, encore raté! Je rentre à pied chez mes hôtes n'ayant pu attrapé le dernier bus ; juste le temps de ruminer tout ça et de bien le digérer, sous quelques timides flocons de neige annonciateurs...


Nous sommes le mercredi 22 octobre 2008 et il fait froid, je "prie" bien fort pour qu'il ne neige pas. Non mais! En fait, il pleut... Les réponses sur couchsurfing sont toutes négatives; délais trop courts ou profile incomplet, il va falloir que je change de technique. A défaut de m'acharner sur les réseaux d'hébergement, je me résout à aller au refuge des jeunes de Montréal si la journée ne m'offre pas de couch (canapé en anglais pour les réfractaires). C'est Eric, ma première rencontre à Montréal qui m'en avait parlé.
J'oublie donc ce problème et prépare une petite liste de choses à voir avant que je reparte, accompagnée de pâtes aux œufs et à la sauce tomate. C'est là tout l'avantage d'avoir à sa disposition une cuisinière. Le repas, simple mais consistant, me coûte environ 2,50 euros, alors qu'il me coûte environs 4 euros dehors, presque le double, si je ne veux pas manger que du pain de mie et du fromage Philadelphie (style kiri). Pas facile la cuisinière dans le sac à dos...
Mika rentre vers 20h30 et m'informe qu'on doit fermer l'appart vers 21h30. Elle part à New York. Lucie et Nadia sont parties à Boston et Nico est dans l'avion pour l'Argentine. Mais je n'ai rien à envier à tous ces voyageurs pour une fois, si ce n'est qu'ils ont tous trouvé de quoi les héberger en avance, contrairement à moi. En temps normal, on sent ce malaise de jalousie lorsque tout le monde part et nous "abandonne", là non! C'est mon voyage le plus long... et toc!

Nos aurevoirs accomplis et chargé comme un bus trans-saharien, j'enfourche mon vélo et nous laisse prendre de la vitesse en descendant la côte Sainte Catherine qui longe le Mont Royal. J'ai donc opté pour le refuge. Le refuge des jeunes de Montréal de la rue Berri est destiné aux 17-24 ans et offre un bon panel de services (toit, lit, repas, hygiène personnelle, premiers soins, activités de soutien, d'orientation, d'éducation et d'accompagnement) de 1 à 30 jours pour ceux qui en ont besoin. La majorité n'ont aucun revenu et beaucoup sont toxicomanes. Tout le monde y est très bien accueilli et il faut y respecter certaines règles. Avant d'y être accepté on me pose quelques questions sur ma situation de voyageur, pour laquelle ils possèdent une case dans le formulaire d'inscription, mais qu'ils ne côtoient que rarement. Ceux qui y travaillent sont assez jeunes et cherche vraiment à établir une relation de confiance. La douche y est obligatoire, et je dois leur laisser ma trousse à pharmacie et mon couteau, au cas où...

Leur intérêt pour mon projet et l'indifférence des autres à mon égard me réconfortent : malgré le fait que je sois sans abri, je l'ai quand même cherché et je me trouve dans une situation inconfortable en entrant dans ce lieu dédié aux personnes vraiment dans le besoin. Je me promet alors d'écrire ce petit paragraphe. Chose dite chose faite, mon expérience n'en est que plus complète et instructive. En me couchant je constate en fait que le dortoir est loin d'être plein. Soulagement.

On nous réveille vers 7h30 et un petit déjeuner plus que décent nous attend, alors que je décide de profiter à fond de cette longue et belle journée. Ma carte en poche, mon ventre bien rempli et mon vélo sous les fesses, je pédale énergiquement dans le froid matinal vers le biodôme de Montréal. C'est mon nouveau sport quotidien. Le biodôme constitue une belle exposition de cinq écosystèmes américains: les 2 pôles, la forêt Laurentienne, le St-Laurent marin, et la forêt tropicale amazonienne. Il y a en plus un bon rapport aux enjeux écologiques actuels.
Passant du coq à l'âne, je file vers le musée d'art contemporain, suspicieux du bruit de la vieille chaîne dont est doté mon nouveau vélo. Je consacre une bonne dizaine de minutes à la découvrir de l'épaisse couche de graisse sale malicieusement incrustée dans le dérailleur. Qu'elle ne me casse pas dans les mains, la garce...
L'exposition permanente du musée est fermée pour travaux, mais une exposition temporaire sur la relation entre le rock et l'art comtemporain dans les différents continents m'est proposée. La visite ne dure qu'une heure, il me reste ainsi une bonne partie de l'après-midi pour retenter la musique de rue sur Saint-Denis. Je joue une bonne heure, seul d'abord puis accompagné d'un djembé: "tu as du potentiel" me dit-il en me quittant. Je réalise que nous étions plus crédibles et plus originaux à deux, alors que le but est vraiment de paraître le plus musicien et le moins mendiant possible. C'est un new yorkais qui m'avait dit cela. Je m'offre un McDo avec les recettes, un peu honteux, et revoie par hasard Isaac!, que j'avais rencontré lors de mon premier couchsurfing à Montréal. Nous discutons un peu et nous donnons rendez-vous au bar populaire pour un Jam prometteur vers 9h. Sacré journée!

Je passe en ce moment pas mal de temps sur internet et les mails que j'échange avec mes proches leurs suggèrent parfois conseils et contacts, à mon plus grand bonheur. Ainsi, je sais grâce à ma chère mère qu'il y a un cours de yoga ce soir avec Martin, un québécois voyageur qui avait fait un bazar de produits indien et népalais qu'il avait importé lui même chez nous à la ferme. Pourquoi pas, je n'ai jamais vraiment essayé le yoga et M'man va bientôt être prof... Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés comme on dit. Méditant sur la question dans mon petit parc Saint Louis, je croise Eric, qui m'avait laché bizarement étant parti cherché à boire, il y a presque un mois. Je comprends alors l'appelation de grand village que j'avais entendu un fois pour Montréal. On y passe trois jours et un mois plus tard on y recroise toutes les personnes que l'on y avait rencontré... De quoi créer un mythe! De sincères excuses lui revalent vite mon estime, avant que je lui demande de ses nouvelles.

Il ne va pas très bien. Je prends le temps et l'invite à m'en parler un peu plus. Apparemment, il est retombé dans la cocaïne et il s'en veut. Il m'explique que dans les dures moments actuels de sa vie il est difficile de résister à ce qui lui apparaît comme "un peu ts'Fun" dans son cauchemar. Son voisin m'est décrit comme un type sans aucun respect qui ne laisse pas une seconde de calme à son entourage. Eric n'y peut rien, il n'arrive pas à se faire entendre et cède malheureusement au joint que lui file ce con à chaque fois qu'Eric lui demande de faire moins de bruit. Il se fait acheté et il le sait, mais est trop seul pour avoir un minimum de conviction et de persevérance. Defait le guardien serait dans le coup, lui aussi apparemment. Ca n'aide pas c'est sûr... Il a même décidé de quitter la chambre pour la rue avant de trouver autre chose. Et pour quelqu'un de voir approcher les rues de montreal l'hiver est une chose plus que sérieuse, il l'a vécu.
Rien ne lui permet vraiment de travailler; sa cheville mal réparée (une sacrée opération à en voir la cicatrice) et sa dépendance à la métadone et la cocaïne ne l'y aide pas non plus. Il doit chaque jours de mendier assez pour pouvoir manger, faire son linge et garder le reste pour son loyer. "Le plan idéal, me dit-il, serait de me trouver une formation en compta et de me trouver un job sûr."


Il lâche honnêtement les problèmes et soucis qu'il a sur le coeur au seul type à peu près normale qui l'ai considéré, moi, et ca devient vite impliquant. Les gens de la rue sont souvent affreusement seuls et les quelques misérables dollars qu'ils mendient ne leut permettent pas de partager leur sentiments. La manière dont il m'expose la situation m'éclaire, et les quelques petites questions directrices que j'arrive à lui poser me permettent finalement de remonter aux possibles causes d'une telle vie, alors que nous sommes partis de St-Louis pour le vieux port. Comment en est-il arrivé là? C'est un bon type, assez ouvert de nature d'après l'allure motivée et curieuse de ses rêves de voyage, et il est issu d'une famille largement assez riche pour le sortir de là. Alors quoi? Nous mangeons dans une sorte de cantine sociale en 5 minute-chronos; il faut laisser la place aux suivants. Encore une fois je suis frappé par le nombre de sans-abris qui peuplent la ville, et je ressens de plus en plus le besoin de m'y interresser, pensant ainsi participer aux multiples remises en causes actuelles du fonctionnement de notre belle société occidentale. Comment peut on en exclure autant, sans ne pouvoir y faire plus que cela?


Eric me parle enfin de son passé, et j'y trouve une des explications possibles. Beaucoup sont tombés dans les drogues et l'alcool. Pour Eric il n'a fallu que le fait qu'il ait changé 6 fois d'école entre le collège et le lycée. Il n'a pas eu le temps de se créer un cercle d'ami pour évoluer, et ne trouvait donc que les drogues. Ainsi commencé le cercle vicieux, il se fait rejeter par sa famille, et arrête l'école. La dépendance et la faim le pousse comme beaucoup à voler: pendant son dernier voyage vers l'ouest, il s'empare de gros tickets de caisse, rempli un sac de marchandises correspondantes et se fait rembourser aux services après vente. Cela permet d'apaiser les manques, vite... Un jour biensûr vient où il se fait attraper. Cette fois-ci il avait chipé un sac de 100 livres de crevettes pour les revendre plus loin à un restaurant chinois. C'est là la fin de ses relations avec ses parents. Dans la rue il récolte en plus deux fausses accusations d'agression et de menaces faute de n'avoir été "respectueux" envers un policier et deux médecins dédaignant contre qui il n'a aucune chance.
Aujourd'hui il cherche vainement des solutions, comme beaucoup d'autres. Il a besoin de trois mois au calme pour se refaire une santé, avant de pouvoir se livrer à la police, servir son temps de prison et retenter l'insertion dans la société. Biensûr plus moyen de convaincre les parents de sa bonne volonté pour qu'ils puissent lui donner un dernier coup de pouce...
Il se donne à présent de petites résolutions pour ce soir et je veux qu'il puisse s'y tenir sans que je ne le dérange. Celles-là seules à force feront la différence, dans une vie à prendre au jour le jour. Nous nous séparons devant le bâtiment où devrait avoir lieu le yoga et nous adressons un aurevoir/adieu plein de compassion. Ceux qui vous guident et prennent plaisir à partager l'esprit de leur ville sont très précieux dans un tel voyage... J'apprécie vraiment ce qu'il m'a appris de Montréal mais aussi de lui-même. C'est ceux-là qu'ils faut trouver, ceux qui savent vivre pas chère tout en voyageant, en partageant et en découvrant. Chaque ville a ses habitants, mais chaque habitant a sa ville aussi: elle est propre à chacun selon l'usage qu'il en fait, les endroits qu'il aime et les charmes qu'il lui trouve. Eric a partagé son Montréal, et je l'ai aimé. Reconnaissant, je lui souhaite toute la chance et le courage du monde, car c'est à peu près tout ce que je peux faire.


Je rencontre Martin dans un appart zen, où parquet et murs blanc-cassé m'annonce la couleur. Son cours vient de finir, c'est donc tout ce que j'en verrai. Il n'est que 7h et il connait un petit resto bio jazz à deux pas. Nous nous y rendons sans trop savoir par où commencer. On ne s'est vraiment vu que deux fois auparavant, et il faut trouver un thème à la soirée improvisée. Une autre yogi nous rejoint et c'est parti. Martin est un bon: après avoir tous conclu que la musique est toujours trop forte dans les bars et restos, il interpèle un des musiciens sur la question les voyant préparer leur amplis dans cette si petite sale. Il a un culot très naturel, beaucoup d'humour et du charme ce qui lui permet de ne pas tourner au tour du pot et de faire avancer le schmilblick, sans choquer! Nous ne réussissons pourtant pas à convaincre le musicien. La soirée est interressante, culturelle, musicale, gourmande, et finalement gratuite puisque Martin nous offre les tapas et délicieux cookies à l'avoine et aux raisins. Il n'y a pas à dire, c'est un chique type ce Martin!

Je pédale à présent vers le bar populaire pour mon Jam avec Isaac. Tout transpirant je rentre avec ma guitare, timide et impatient à la fois, scrutant curieusement l'attitude et le niveau des musiciens. Imaginez alors une sale peu éclairée, longue et très conviviale: les tables sont en bois et ont un aspet très simples, les musiciens jouent au même niveau que les spectateurs et de vieux canapés et fauteuils entourent la scène. Il ne me faut pas une minute pour trouver Isaac et sa colocataire Marie(encore une nouvelle), entre la petite vingtaine de personnes installée dans le bar. Deux africains mènent apparement le boeuf. Ils ne quittent jamais vraiment la scène et invitent chacun à participer. Près de la scène, tout le monde a sorti son instrument et espère pouvoir jouer... Le boeuf est sans prétention et Isaac et moi finissons par nous joindre au boeuf pour trois morceaux. Si les conditions ne nous permettent pas d'être vraiment à fond, j'aime le fait de jouer pour un public nouveau. C'est vraiment différent des boeufs de ma petite ville natale de Rambouillet. On doit surprendre autrement devant un autre public, c'est un autre défit, tout neuf...

Je m'éclipse finalement vers minuit et demi et rentre au refuge la queue entre les jambes ayant oublié le couvre-feu de minuit... Demain j'irai dormir chez Isaac. Nous avons rendez-vous à onze heures pour aller voir le musée des beaux arts avec sa couchsurfeuse francaise avant d'aller jouer un peu de musique dans la rue!
Isaac est un voyageur dans l'âme! Il travaille trois mois l'été à planter des arbres pendant des journées de dix heures six jours sur sept et survie tranquilement le reste de l'année. Jouer dans la rue lui plait donc comme moi autant pour le côté musical que pour le côté lucratif de la chose. Si j'habitais à Montréal, Isaac serait une des personnes avec laquelle je partagerai volontier une amitié réelle, qui dure. Pourtant je ne l'aurai peut-être pas rencontré, à cause de la différence qu'auraient nos styles de vie, parceque je serais un étudiant par exemple.
C'est le voyage et son hospitalité qui ont entrecroisé nos destins, littéralement... Continuons ce croisement et concentrons nous maintenant au moment où il est temps de séparer ces destins, aussi vite qu'il se sont rencontrés... et bien c'est ça aussi le voyage! Heureusement maintenant il y a internet pour attenuer ce décroisement. Il est néanmoins toujours réel, car le temps manque lorsqu'il s'agit de créer des liens qui dureront, enfin c'est l'impression que l'on en garde. On voudrait continuer certaines histoires et en oublier d'autres. Dans la vraie vie, ce phénomène est atténué je trouve. Nous marchons dans nos histoires en pensant avoir le temps de les vivre pleinement, inconscient de l'immensité d'événements futurs plausibles. Nous courons au contraire à travers ces événements lorsque nous voyageons de ville en ville toutes les semaines, en nous apercevant des inimaginables mille-et-une vies que l'on y rencontre! C'est fascinant, et rapetissant de se voir ainsi réduit d'importance devant cette immensité de vies... J'essaie pour ma part de m'en construire une certaine humilité, pour oublier les regrets que j'ai en doutant de pouvoir continuer une histoire bien commencée.

Avec Isaac c'est un tas de liens créés en seulement trois jours. Des délires au musée des beaux-arts aux 10$ chacuns amassés en jouant dans les rues du centre-ville pour nous offrir deux bières au rassemblement hebdomadaire couchsurfing du soir même, il y a de quoi en faire des phrases à rallonge! Il m'a même racheté mon vélo pour ses futurs couchsurfeurs, alors que je venais de casser la chaîne... Je décide ce jour là de repartir le lendemain pour Hamilton. Il pleuvera et ce sera peut-être la clé de ma chance. Enfait j'abandone lamentablement pour la toute première fois de ma vie une journée de stop. Vers onze heures du matin, après avoir marché toute la matinée à la recherche d'endroits toujours meilleurs, je ne suis toujours pas sorti de Montréal et je suis trempé. Me voilà finalement rentré chez Isaac pour une autre dernière journée que je découvre ce mail qu'il m'a envoyé:
Hop, mauvaise nouvelle...Va falloir que tu reviennes à Montreal, ou t'auras vachement du mal à passer la frontière américaine parce que j'ai ton passeport (et autres paperasses)entre les mains...je t'ai cherché de long en large aux entrées d'autoroute ou sur le trajet qui y menait mais tu t'es vraiment volatilisé!J'espère que t'auras ce mail rapidement!Bonne route, et à très bientôt, je présume!Isaac
Chance? malchance? allez savoir...
Ce soir, c'est grande bouffe, vin et dernier boeuf du coup... puisqu'il pleut...
Il faut penser différemment: garder contact avec les potes qu'on a le temps de rencontrer, se revoir ailleurs, se rire des distances et rapetisser le monde plutôt que de nous laisser rapetisser... Ce n'est pas la longueur du temps passé avec quelqu'un qui importe mais bien ce qui se passe en même temps. En tout cas je compte bien reboeufer avec mon compagnon québécois un jour!
18 octobre 2008

Sur la route de Montréal (P)






Mon arrivée à Sackville ne se prive pas d'une petite touche de chance et si Sarah ne décroche pas son téléphone je rencontre comme par hasard Nicole, elle aussi une ancienne camarade de classe en études universitaires à Sackville, à la station essence faisant office d'arrêt de bus. C'est donc parti pour une après-midi tranquille chez elle et son colocataire Mat, pizza devant "Blue planet" (style 20 000 lieux sous les mers en encore mieux) et bœuf guitaristique en vue!
La chambre de Sarah à Sackville est une chambre universitaire qu'elle partage avec une correspondante japonaise. Il y a pile la place pour poser mon matelas entre les deux autres lits. Mon séjour s'y passe tranquillement, entre repas au super self a 13$ le repas que Sarah m'évite en passant sa carte et balades autour dans le coin. Je profite néanmoins beaucoup plus les temps passé chez Nicole, qui est peut-être plus dans mon genre (le côté hippy peut-être).
Si mes trois jours de semaine s'avèrent un peu "mous", le weekend est plus mouvementé. Nous allons au match de football (américain bien sûr) le vendredi, et malgré toutes mes questions personne n'est capable de m'expliquer les règles du jeu. Il faut croire qu'ils n'y vont que "pour le fun"...
Les deux soirées, elles, sont comme dans les films. Alcool à foison, capharnaüm musical et véritables bordels dans les chambres, impossible d'aller se coucher. Je me retrouve par hasard dans la chambre de Michael, un pote de Jeff avec qui nous entamons une conversations sur les Etats-Unis, les élections, bush etc. en buvant des Budweiser. Michael est en fait américain et nourrit donc bien le débat, même si la conclusion reste un peu noyée dans la bière...
Je décide de repartir le dimanche en stop, pour Montréal, comptant y faire escale avant de faire un tour par les chutes du Niagara.

Tracy m'a mis en relation avec son neuveu, Damon Tedford, qui habite à Hamilton, à une heure de Niagara en voiture. Peut-être pourra-t-il m'accueillir pour une nuit ou deux!

Je suis sur la route à 11h du matin, un peu tard peut-être, sachant qu'il me reste un bon millier de kilomètres à parcourir jusqu'à Montréal. Je trouverai bien un coin pour installer mon hamac de toute façon. Il n'y a rien à dire, j'adore le stop même si ici les moments d'attente sont plus longs. J'y apprends vite et beaucoup de culture locale et canadienne, et y rencontre toutes sortes de personnes : jeunes ou vieux, hommes ou femmes, businessmen ou charpentiers, noirs ou blancs, tout y passe! Où passerait on une telle journée à discuter sérieusement avec toutes ces personnes sans faire du stop ?
Vers sept heures du soir, la nuit est tombée, et je n'ai pas réussi à me faire inviter chez quelqu'un malgré mes efforts. Contrairement à ce que j'espérait il fait froid, environ 3 ou 4 degrés, et la nuit vient juste de tomber. Trop à la périphérie de Edmunston pour y entrer et y chercher un endroit plus chaud, je me dirige instinctivement vers un motel que j'ai repéré, le Days Inn! Il à l'air plutôt luxueux mais pas gardé... Après avoir repéré quelques portes d'entrées tout autour, je rentre par l'entrée principale et fait mine d'être dans le besoin à l'unique hôtesse d'accueil, en lui demandant s'il y a internet dans l'hôtel. Elle me répond désolée que l'ordinateur est hors-service et me souhaite une bonne soirée, sans aucune suspicion.
Comme un félin en chasse cette fois ci, je rentre par une autre porte et monte les escaliers sans bruit avant de me déplacer d'un air confiant dans le couloir. Pas un chat, les suites ont une ouverture sur l’extérieur et les gens n'ont pas grand chose à faire dans ce couloir visiblement. Je suis couvert.
Avançant avec attention, j'aperçois enfin une porte ne menant pas à une suite... Et sa fermeture est bloquée par un petit morceau de bois coincé dans le coin de la porte...
Après courte hésitation l'excitation et le suspens me poussent à y entrer : c'est une remise pour les femmes de ménage. Derrière deux chariots à ménage se cachent matelas de secours, lits de bébé, couvertures, draps, coussins et autre matériel d'hôtel !
Allez... tentons ! Je réfléchis aux possibles conséquences et me prépare un bon récital pour celui qui me trouvera là, ou pas. C’est honnêtement très faisable avec la majorité des gens. Si la pitié n'est pas toujours la première impression face à un squatteur, mon originalité et mon ingénuité me permettront d'attraper la sympathie et le "va pour cette fois"! ou pas...
Je m'y cache deux petits matelas -au cas où quelqu'un rentrerait avant mon départ- et me trouve deux vielles briques de jus d'orange soit-disant périmées que j'avale à petites gorgées avant de me coucher. Il n'est que neuf heures, mais je n'ai plus rien à faire et tous comptes faits une bonne nuit ne me fera pas de mal.
Une petite méditation récapitulative de la journée me permet finalement de m'endormir, au chaud... Je me réveille à l'aube, et me lève tout en remettant tout en place. Je viens de forcer un peu la fraternité mais je me garde ça sur le compte de la jeunesse ! Je n'ai éthiquement rien fais de mal et j'ai pu dormir, sans payer pour une foule de services que je ne peux me permettre. A mettre bien sûr sur le compte de la chance, également !
Lorsque je quitte le motel, il est huit heures le matin. Le soleil m'a devancé quelque peu et l'impressionnante couche de givre sur le gazon me félicite. Vers 10h45, après plus d'attente que de divertissement, un nouvel écossais s'arrête et me prend en stop. Il fait un trajet d'une semaine d'Est en Ouest à travers le Canada... et passe par Montréal! Jeff (si je me souviens bien) est pilote d'hélicoptère et aime l'aventure. Il connais beaucoup du Canada et m'apprend un tas de choses. Le feeling y est, c'est mon jour de chance! Après avoir conversé sur la nouvelle écosse, le ski, la cueillette de blueberry -les très nombreuses et fameuses myrtilles de nouvelle écosses-, et les femmes québécoise entretiennent l'éveil de Jeff pendant notre long trajet. "Aussitôt la frontière québécoise passée, le niveau augmente radicalement" dit- il convaincu, "il doit y avoir un truc avec leurs habitudes alimentaires, c'est sûr!" Et nous voila partis sur le beau Québec, ses belles femmes et ses moult fermes. Il m'explique que la forme longue et fine des prairies remonte à la distribution d'énorme carrés de terre lors de la colonisations française du Canada. Au fil des générations, le père partageait ses terres en pars égales pour ses fils. Et c'est la présence de la rivière au bord de la prairie qui explique le fait d'avoir choisi des bandes au détriment des carrés, pour que tous aient accès à l'eau. Comme le veut la tradition, je lui explique que j'ai grandi dans un chèvrerie et lui montre des photos, en lui expliquant le peu que je sais sur les fermes françaises. Nous roulons bien, et Jeff me dépose à l'aéroport de Montréal vers 16h heure locale, car nous avons traversé un fuseau horaire à mon avantage ce qui me laisse un heure de plus pour mon retour dans la ville.
Mission accomplie.

J'y rencontre Suzanne, Australienne à l'origine mais venant elle aussi de Nouvelle Ecosse, qui par demain pour Hawaï. Elle cherche un endroit pour la nuit, pas trop cher. Je me fais un plaisir de la conduire jusqu'au gîte du plateau que je lui conseille sans me prononcer sur mon plan à moi, car j'espère encore trouver un plan pour ma nuit. Nous nous dirigeons ensuite vers "Frite alors!" et commandons un poutine mexicain et un poutine "Frite alors!" que nous avalons avant d'aller boeufer au Square St-Louis. Elle chante plutôt bien. Romantique n'est-ce-pas?
Sur le chemin, un clochard aux allures de famine me vend tout à fait par hasard un vélo tout réparé et entretenu pour 30 dollars canadiens CAD, environs 20 euros. Cela m'évitera de payer le métro en plus de me faire faire un peu de sport, et avec un peu de chance j'arriverai à le revendre 20 dollars de plus. L'aubaine! Mais j'ai largement dépassé mon budget de la journée, alors je repars en quête d'un toit gratuit sur Saint-Louis.
La rue ne me tente pas trop ce soir et il pleut, ce qui tourne à mon avantage : j'expose mon projet du mieux que je peux à quiconque me paraît charitable, et finit par me faire inviter par un compatriote, Nicolas !
Une heure plus tard, j'ai pris une douche, j'ai un canap' ou dormir ce soir et demain, et la coloc où j'ai atterri est très accueillante.
Je tombe dans un sommeil profond ; demain est un autre jour.
16 octobre 2008

Nova Scotia (P)













Ma petite Nouvelle Ecosse me revient petit à petit, avec ses longues journées inanimées, finalement comblées par la bouffe, intarissable... J'écris, dors, lis, mange, et rends tout les services possibles à ma famille canadienne chez qui l'hospitalité m'est commise d'office.
Les quelques fêtes qui marquent mes deux semaines suffisent amplement. Ici à Tatamagouche, on boit, on se provoque , on bizute, et on finit par ne plus pouvoir parler tranquillement. Chacun tient son rôle du fait que tout le monde vient aux fêtes de tout le monde. Après deux ans d'absence, presque rien ni personne n'a changé, et gare aux trouble-fêtes !
Entre temps, Thanksgiving... Le 13 Octobre (deuxième lundi du mois) au Canada, ce jour férié fête la fin des récoltes, à la base. D'où le fameux festin de maïs, purée de patate douce, jambon cuit, dinde, petits pains maison et tartes multiples... mmmmh (yumi en anglais) Ici c'est Faye, ma grand-mère nouvelle écossaise qui nous "nourrit", littéralement, à l'américaine. Impressionnant! Contrairement au début de mon séjour Nord-américain, je ne ressens la faim à aucun moment, et même ma gourmandise s'étanche. Étrange, même presque écœurant, alors que j'apprends par mon meilleur pote Jon que 80% des petites faims de journée traduisent en fait une déshydratation !
Du coté visuel, je suis comblé également : malgré des températures un peu en dessous des standards de l'été indien, l'automne reste ma saison préférée au Canada. Les couleurs sont impressionnantes et on se sent parfaitement bien dans les conditions météorologiques, contrairement au rude hiver et à l'été humide.
Deux semaines sont passées, j'ai revu tout mes vieux potes et rendu bonne visite à l'entière famille Langille/Ernest qui m'avait accueilli pendant une année scolaire d'échange en 2005 ; il est temps de repartir. Je me suis fait invité pour la fin de semaine chez mon ancienne "camarade de classe" Sarah à Sackville, une petite ville universitaire du Nouveau Brunswick, province voisine de la Nouvelle Ecosse. Deux autres anciens Nicole et Jeff y sont aussi, l'escale quoi !
Atristée par mon imminent départ, Tracy (ma mère d'accueil) me conduit jusqu'à Truro où l'on partage un dernier repas avec Jake (le frère) et les deux tantes et m'offre un ticket de bus pour Sackville. Leurs aurevoirs me plongeant dans la nostalgie, je tape une cigarette à une dame en attendant le bus. Remarquable Ice-braker -comme dirait Matteo Pennacchi- ma cigarette me permet de rencontrer Patricia, une écrivaine de Cape Breton au nord-est nouvel écossais, qui s'intéresse à mon voyage. Elle m'écrit une petite chanson, charmée, à chanter pendant mon périple à travers l’Amérique du Nord:

I love traveling
It's the very soul of me
I love traveling
My own way to be free

Walk with me on my traveling road
Help me carry my heavy load

New cities, new towns, new people, new friends
I hope my journey never ends

Walk with me on my traveling road
And help me carry my heavy load

Presque trop fière de sa composition, elle me demande quand même de ne pas l'oublier si jamais la chanson devenait un succès ! Lorsqu'elle descend du bus, il ne reste plus qu'une demie heure de trajet et je n'ai rien vu venir. Je pensais gâcher une occasion de rencontrer plein de monde et au lieu de ça je repars en chantant. Plus pétillant et pimenté que je ne le pensais donc, mon trajet en bus!
10 octobre 2008

Vers la Nouvelle-Ecosse! (Paul)



J’ai l’esprit dispersé, mon grand corps fatigué par l’exiguïté du bus Greyhound américain (pourtant fort bien voir trop bien motorisé, à l’entendre rugir, le monstre!), et mon moral remonté contre l’ampleur de mes dépenses et mon incapacité à me passer de cette saleté de caillasse. Encore une fois je me sens débordé alors que je ne sais ni me situer à Montréal, ni par où “commencer” puisque je n’ai pas encore examiné ne serait-ce qu’un simple plan des quartiers de la ville. Une horrible question ne cesse de me marteler la tête alors que recommence une de ces longues marches à la recherche d’une rencontre insolite, puis même quelconque: “qu’est-ce que je dois faire?” Elle me donne un bizarre sentiment d’échec et me rappelle que je ne suis pas encore bien installé dans ma condition de voyageur, qui me semble incertaine et mal préparée. Bref, horrible moment vraiment.

Cherchant à l’éviter pour de bon, je me concentre sur l’air frais et le beau temps et m’installe dans un café Van Houtte d’où sort un parfum de petit-déjeuner extraordinaire et où je commande café et gâteau d’avoine aux pommes (terriblement bon!), faute de n’avoir trouvé moins cher, encore une fois. Dégustant avec entrain mon p’tit-dej, je décide de chercher une bibliothèque pour l'internet gratuit, me donnant ainsi un but à ma matinée, puisque internet signifie pour moi notre blog de voyage, mes mails et représente à ce titre ma trousse de secours morale, en quelques sortes...

En attendant l'ouverture de La Grande Bibliothèque, un québécois m'offre une cigarette pendant que je lui présente rapidement mon voyage. Son visage intéressé, ses encouragements et l'admiration dont il me fait part, combinés à la sensation particulière que j'ai en me rappelant le goût de la Canadian Classic, me remontent le moral de manière frissonnante... Mémorable bon moment !, si singulier soit-il. Revigoré, je consacre finalement mon temps internet à la recherche d'un endroit pour dormir et surtout de "locaux" à rencontrer (il fait beau et j'ai mon hamac, au pire). Je me sers pour ça du site couchsurfing, gros réseau de voyageurs et de curieux près à vous rencontrer et à vous accueillir pour quelques nuits -moyennant un chouette petit mail- sur lequel je comptais pas mal pour mon voyage sans me rendre compte que c'est un peu trop "galère" pour être utilisé quotidiennement, sachant qu'il faut généralement envoyer une dizaine de mails pour obtenir une réponse positive, voir plus si on demande au dernier moment comme moi.

Ceci étant fait je repars en vadrouille sans trop de but précis, cherchant quand même un endroit à musicien (genre parcs etc.). Mais ma première rencontre n'est pas un musicien ; Éric, démarche Lagaffe et fort accent québécois, flâne dans les parcs et petites rues montréalaises, alors qu'il essaie de retrouver du boulot pendant qu'il guérit de son problème de santé. Ce n'est pas son côté paumé qui nous rapproche, mais ses voyages. Il me parle fièrement de ses voyages en Europe et au Canada, pendant que nous nous installons dans son parc préféré, le square Saint Louis, pour que je joue de ma nouvelle guitare en fumant sa "drôle de cigarette", comme dirait Matteo Pennacchi. Considérant ma musique, il prend le côté lucratif très au sérieux et se consacre à la recherche d'un endroit où je pourrai m'installer pour gagner des sous, en m'invitant avec peine à passer la nuit dans son modeste chez-lui sur son canapé. Acceptant volontiers, je m'installe dans une rue piétonne et reprend mon répertoire musical en commençant par le meilleur, pendant qu'il part chercher de quoi nous désaltérer. Vingt minutes plus tard, n'ayant gagné qu'un dollar et ne le voyant pas revenir, je me lève et repars, un peu déçu quand même, à mon incessant vagabondage.

Mon temps passe, mes pieds et mon dos s'usent car mon sac me suit encore partout, et je finis dans une chouette auberge de jeunesse, Le Gîte du Plateau (je suis dans le quartier du plateau du Mont-Royal), où je pose mon gros sac pour aller manger un Poutine typique chez "Frite alors!". Puis je me dirige vers le square Saint Louis.
Montréal est plus propre et moins bruyante que New York en général (métros etc.), mais la palme de la paisibilité revient pour moi à ce petit quartier Saint-Louis, situé au croisement de Saint-Denis et de Sherbrook. Le parc et sa fontaine, les rues piétonnes, les belles assiettes des restaurants qui font la renommée gastronomique montréalaise, et les terrasses abaissées des bistrots ralentissent le temps. Les Montréalais, eux, le remplissent ce temps, puisque deux types (étudiants) m'invitent à leur table pour y boire une pinte et y philosopher. Après une brève présentation, je réussis à les lancer sur leur pays, et donc très vite leurs politiciens (ils sont du genre indépendantistes mais cools), nos accents, et leurs bières. L'un des deux s'en va au bout d'un moment; alors qu' Alex (l'autre) et moi nous dirigeons vers le parc pour y boire une dernière bière, finalement accompagnés par un inconnu qui se révèle être tout juste sortit de prison pour un braquage de banque loupé! Une bière plus tard, je rentre et dors comme une pierre.
Lorsque je sort de l'auberge, j'ai bien mangé, j'ai bien bu, j'ai bien dormis, j'ai pris et regardé tous les prospectus de voyageur du gîte, il fait beau, et des couchsurfeuses (du réseau) m'ont invité chez elles pour ce soir. Tout va bien! (pour ceux qui s'endormiraient).

Informé cette fois, je me dirige vers le vieux port et donc le vieux Montréal, toujours à pied.
Un homme avec qui j'y sympathise m'informe sur le stop au Canada et me confirme que cela se fait. Je décide donc de partir le lendemain pour la Nouvelle-Écosse, ce qui me laisse trois jours pour arriver chez mon ancienne famille d'accueil (j'y ai vécu un an), à 1200 km d'ici : Ce sera Oktoberfest, et j'ai envie de leur faire la surprise!
Je consacre le reste de mon après-midi à acheter (acheter, bon sang, encore et encore!) mon nouvel appareil photo et à l'essayer. Mais cette fois ci je ne culpabilise pas, ce sont tout mes meilleurs amis qui me l'offrent ! Une belle enveloppe reçue pour mon anniversaire, le 13 Septembre juste avant mon départ. Le zoom est extra et les photos sont de bonne qualité, je suis satisfait.

Marie-Ève -une des couchsurfeuses- est à la station Côte-des-neiges à 19h30 comme convenu! La soupe végétarienne et les protéines (fromage et préparation au soja) qu'elle a préparés me changent du régime de base Nord-Américain. Le tout est bourré de parfums et de consistances variés : ça le fait! Émilie -l'autre couchsurfeuse- travaille encore. Marie-Ève et moi discutons stop, voyages, cuisine, politique (elles manifestent pour de bonnes causes déguisées en clown!) et même amours: selon elle, les hommes seraient plus aptes à se passer de leur amour que les femmes... Elle me dégote même un covoiturage sur internet, qui m'avancerait de 400 km !
Les deux filles sont étudiantes, et je me réveille tranquillement tandis qu'elles se préparent pour les cours. Mon covoiturage est à quatre heures cet après-midi, j'ai donc le temps d'aller gravir le Mont Royal et y prendre deux ou trois photos. Si les photos sont réussies, je reste déçu sur le plan physique et me demande encore comment ce grand explorateur qu'était Jacques Cartier en 1535 a pu appelé ce petit tas de terre de 200m d'altitude un Mont!

Alors que je tente de rédiger sur quelques vielles feuilles mon article sur New-York, les aiguilles tournent sur mon petit banc du débarcadère de la banlieue montréalaise de Longueil, et cinq heures et demie passé je m'énerve et jure sur mon mauvais sort... Mon drive ne passera pas! Enfin pas aujourd'hui... Je me rend compte que nous nous sommes trompés de date pour le covoiturage, ce sera pour demain. Incapable de retrouver l'adresse d'Emilie et Marie-Ève que ce soit sur internet ou sur place... J'avais accordé plus d'attention à notre conversation qu'au chemin que nous avions emprunté pour rejoindre l'appartement la veille. Après avoir tourné et retourné autour de ces bâtiments tous trop identiques je prends la sage mais dure décision de passer la nuit dehors, sur un matelas de canapé clic-clac que je dégote et installe dans une arrière-rue calme, emmitouflé dans mon duvet, ma guitare cachée et à l'abri de la pluie, moi enlassant mon gros sac. Je me réveille vers huit heure, en forme. Je retrouve très vite l'appartement que j'ai désespérément cherché hier... Lorsque je sonne enfin, à la recherche d'un lavabo pour y laver de quoi survivre pendant mes deux jours de stop, c'est Isaac, un nouveau colocataire!, qui m'ouvre la porte, alors que les filles dorment encore. Décidément il s'en passe des choses en 24 heures.
Lui aussi a pas mal voyagé, et nous creusons la conversation autour de nos expériences en matière de musique de rue. Il m'ouvre définitivement des perspectives lorsqu'il me parle de certaines journées à plus de 100 euros, en Irlande. Conclusion : il suffit d'une bonne rue piétonne fréquentée par de petits groupes de personnes, en balades plus qu'en route pour le boulot, d'un ou deux bons musiciens, et bien sûr d'un peu de persévérance !
Un bon lunch, nos vrais aurevoirs, et un peu de chance me permettent d'arriver pile à l'heure pour mon rendez-vous stop, ou "covoiturage" : c'est le mélange pratique d'internet et de l’auto-stop, permis grâce au site "amigoexpress", une fine idée !

Nancy Malenfant, jeune et charmante journaliste agricole québecoise, m'attend au débarcadère. Ses voyages en Inde et au Honduras nourrissent bien sûr nos premières conversations, et notre bonne entente me vaut une invitation chez ses parents à Rivière-du-Loup, à quelques 450km au Nord de Montréal, passé Québec. Salade grecque et vin rouge le soir, bacon œufs et toasts le matin, les Malenfant ne font pas les choses à moitié !

Rassasié, reposé et propre, je suis sur la route à huit heure le matin, le pouce en l'air. Dix minutes plus tard, j'embarque dans un camion Classic avec Ron, la soixantaine, routier solitaire parleur néo-écossais, pour 700 autres km! A ma grande surprise, Ron a pas mal voyagé... USA, Mexique, ses histoires me plongent dans mes attentes futures. Après avoir décortiqué son tableau de bord et les chiffres impressionnants de sa consommation en gasoil comparé au litres de yaourt ou de glaces qu'il transporte, nous dérivons sur la religion.
"Je crois fermement en Dieu depuis que je lui ai demandé de me prouver qu'il existe, à un moment où je ne put faire la différence entre le bien et le mal." me dit-il sans préciser.
Je lui répond aussi prudemment que possible que je n'ai rien contre le Dieu qui aide les personnes à sortir de leur malheurs ou à comprendre leur destinée ; mais pourquoi leur faire croire à une vie après la mort, ou les obliger à accomplir toutes ces prières et rituels aux allures superstitieuses dans une messe à laquelle certains ne participent que pour recevoir leur "Salut"?
"Une branche seule a beaucoup de mal à brûler, alors qu'elle parvient même à nous chauffer lorsque tu en disposes quelques unes autour de la bonne manière" répond-il après réflexion... Nous arrivons vers six heures et demi du soir à Truro, à 50 km de ma destination finale, Tatamagouche. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il me faut six voitures pour les parcourir. Le comble, après mes deux jours de grande chance.

Maintenant, c'est la nuit après le boulot. Mes amis canadiens, ma famille canadienne, la "nourriture" canadienne (ce mot food m'a toujours semblé rigolo, car je ne l'emploie jamais en français pour les humains, bizarrement), de quoi être repus pour un pt'it bout de temps! J'en profite pour voyager inconsciemment, rêver. Aujourd'hui j'écris mon article sur le Canada, j'écris un mail à Mathieu, lui reparlant du livre qu'on rêvait d'écrire, maintenant, et me repose des deux jours de déménagement et de stockage de bois, payés, que j'ai passé. Lui doit être au Mexique depuis 12 jours maintenant. Ce livre serait pour moi le "ce que je dois faire"en question, constitué de nos articles web, peut-être un peu peaufinés.
Il ne me reste plus qu'à le vivre.
| Top ↑ |